Il m’arrive de prendre le train entre Le Havre et La Capitale (et dans l’autre sens pour le retour). Au départ du Havre, en général, l’installation dans un wagon se passe sans trop de problème et j’observe à chaque fois le même rituel:
- Arriver toujours avec 10 minutes d’avance
- M’installer à une place seule (en première classe, ce n’est pas une disposition 2-2 mais 2-1). En général, en prenant le train vers 6h30, cela ne pose pas de problème. J’ai une petite préférence pour les places situées dans le sens de la marche. Nous n’avons pas cet astucieux système de banquette tournante que j’avais remarqué il y a quelques années dans les trains de banlieue de Sydney: En un tour de main, le dossier devient siège et vice versa, ce qui permet d’orienter chaque siège dans le sens voulu, j’avais trouvé cela très astucieux (il me semble avoir vu également ce système au Japon).
- Au cours de l’installation, vérifier que la place n’est pas réservée: Cela m’est déjà arrivé de m’asseoir le premier dans un wagon vide, et une fois celui-ci bien rempli (c’était au départ de Paris), d’avoir un Monsieur qui s’approche de moi, bien embêté et qui s’excuse mais me fait remarquer, réservation bien en évidence, que je suis assis à sa place … Grand moment de solitude ….
Bref, tout ça pour vous dire qu’au départ du Havre, avoir une place de choix dans un wagon de première se fait dans une douceur qui sied bien aux brumes matinales…. Là où ça se corse, c’est arrivé à Rouen…
A Rouen, c’est toujours la grosse pagaille pour les trains du matin. Les gens, bien réveillés (il est quand même une heure de plus que tout à l’heure !) partent à l’assaut des wagons et en première, c’est carrément l’émeute à chaque fois; c’est limite s’ils ne rentrent pas par les fenêtres en se faisant la courte échelle, ça fait penser à l’exode, les carrioles en moins: Tu parles, le nombre de places vacantes est limité (même avec les wagons à deux niveaux) et tout le monde en veut une, normal. Bref, chacun trouve finalement *presque* chaussure à son pied (certains sont partis en seconde trouver leur bonheur) et la cohabitation commence à prendre …. Ce jour là, fait rare (pour moi), nous sommes contrôlés 10 minutes après le départ de Rouen. Le contrôleur s’approche de la dame devant moi pour contrôler son billet, la dame, une petite quarantaine, n’a pas de billet mais un truc dans un porte carte, un peu comme les abonnés, mais c’est pas une carte d’abonnement, c’est mieux … C’est le truc qui tue bien tout le monde: Une carte de cheminot ! La dame est une épouse de cheminot …Elle possède le truc plus fort encore qu’un carré d’as: la carte magique-joker de la SNCF ! Limite si ELLE t’accepte dans SON wagon, quoi …
Le contrôleur lui fait aimablement remarquer:
– « que le wagon est plein et qu’il y a des gens, pardon, des clients, qui ont payé plein pot leur billet de première et qui se retrouvent en seconde. »
– » qu’elle, elle n’a rien payé du tout et qu’elle est là … La moindre des choses, aux heures de pointe, c’est de voyager là où il y a de la place et de laisser les sièges de première aux clients payants … c’est d’ailleurs mentionné dans le réglement. »
Que croyez-vous qu’il se passa …? Le contrôleur a eu droit a une réflexion « m’emmerdez pas, j’ai le droit d’être ici. De toute manière, je bougerai pas ! ». Le contrôleur est parti, dépité et désabusé, ne croyant plus tout à l’indéfectible et légendaire solidarité cheminote. La bonne femme (et oui, maintenant, c’est plus une dame, c’est au mieux une bonne femme, au pire une conne …) a continué le voyage jusqu’à Paris en soutenant bien le regard de tous ceux qui désapprouvaient son comportement (moi j’étais derrière, j’ai pas eu droit à son regard mais j’observais, planqué, en me marrant un peu…).
J’en entends qui disent que, par galanterie, j’aurais du laisser ma place payée à la dame conne … et partir en seconde … Tu m’as regardé, là ?
Comme quoi, les avantages des cheminots, on fait bien d’en parler …